Rien qu’avec les « accords magiques » de l’article précédent, vous êtes déjà en mesure de jouer toute une série de morceaux. Et peut-être même de faire votre premier morceau ! Avec ces quatre accords et une mélodie simple par-dessus, c’est possible. Mais il manque quelque chose : une rythmique. Comment faire ?
Nous allons étudier quelques principes de base de la rythmique. Nous verrons ensuite quelques exercices pour travailler vos premières rythmiques en enchaînant les « accords magiques ».
Battements par minute (bpm), (contre)temps et mesures
Je vous conseille de travailler la rythmique à l’aide d’un métronome. Tapez « métronome en ligne » sur Google, et vous en trouverez gratuitement. Si vous vous accordez avec une application sur Smartphone, il y a toutes les chances pour que cette application contienne également un métronome. Que représentent ces chiffres ? Comment s’y retrouver ?
Le nombre indique les battements par minute (bpm). C’est cela qui indique le rythme, rapide ou lent, d’un morceau de musique. C’est l’unité de mesure du tempo. Ce dernier mot désigne la vitesse d’exécution d’un morceau.
Prenons deux exemples simples. Essayez-les sur votre métronome. Sachant qu’il y a 60 secondes dans une minute, si vous demandez au métronome un rythme de 60 bpm, il y aura donc un battement par seconde. Demandez ce tempo à votre métronome, et tapez dans les mains exactement en même temps. Vous constatez que c’est un tempo lent, qui s’adapterait mal à des musiques dansantes. Demandez maintenant un tempo de 120 bpm au métronome, et tapez dans les mains. Désormais, il y a deux battements par seconde. Vous sentez que le tempo est ici rapide.
Un battement individuel s’appelle un temps. C’est l’unité de base de la musique, dont la durée varie selon le tempo du morceau. Reprenons nos exemples. Dans un tempo de 60 bpm, un temps dure une seconde ; dans un tempo de 120 bpm, un temps dure une demi-seconde.
Le tempo n’est pas la seule notion qui définisse un morceau. Il nous faut encore parler des mesures. Une mesure est simplement une unité de plusieurs temps. Mais c’est un peu plus complexe que ça. Généralement, au sein d’un morceau, ou au moins d’une partie de morceau, les mesures seront de même longueur (elles compteront le même nombre de temps). Pour être plus précis, si tout est toujours possible, on a grosso modo deux types de mesures : des mesures en quatre temps et des mesures en trois temps. On parle aussi de mesures binaires et ternaires.
Pour mieux comprendre, prenez votre métronome. Demandez-lui des mesures en quatre temps (4/4). Vous pouvez lui demander d’insister sur le premier temps. Tapez dans les mains, en tapant un peu plus fort tous les quatre temps. À chaque fois que vous tapez plus fort, vous entamez une nouvelle mesure. Commencez-vous à sentir l’importance de cette notion pour définir le rythme d’un morceau ? Demandez maintenant au métronome un rythme en trois temps (3/4), avec insistance sur le premier temps. Vous sentez tout de suite la différence.
Le temps sur lequel vous avez insisté est un temps fort, tandis que les autres sont des temps faibles. C’est une autre notion importante de structuration des mesures. Sans temps forts et faibles, on aurait un morceau de musique plat, sans relief. Demandez à votre métronome des mesures en quatre temps. Tout en tapant dans les mains, comptez en boucle : 1, 2, 3, 4, 1, 2… Tapez maintenant plus fort sur les temps 1 et 3. Changez ensuite les temps forts : tapez plus fort sur les temps 2 et 4. Sentez-vous la différence ? Vous devrez avoir à l’esprit ces notions de temps forts et faibles en jouant de la guitare.
Avant de prendre la guitare, nous devons parler d’une dernière notion qui nous servira pour gratter des accords en rythme : le contretemps. Le contretemps se trouve exactement au milieu de deux temps. Il n’est pas toujours facile à sentir au début. Pour commencer, demandez au métronome un rythme de 120 bpm, et tapez sur tous les temps. Demandez-lui ensuite un rythme de 60 bpm, et tapez comme si vous étiez toujours à 120 bpm. Donc, exactement au milieu de deux temps, vous devez taper dans les mains. Ces moments où vous tapez dans les mains alors que le métronome ne battait pas de temps sont les contretemps. Essayez enfin de taper uniquement sur les contretemps.
Vous avez un peu de mal ? Pensez au mouvement d’une horloge : tic – tac – tic – tac. Le « tic » tombe sur le temps. Le « tac » va tomber exactement entre deux temps. Commencez en disant seulement les « tic » sur les temps, puis ajoutez les « tac ». Enfin, ne dites plus que les « tac ».
La rythmique à la guitare
Maintenant que nous avons ces notions en tête, nous pouvons prendre la guitare.
La rythmique peut s’exécuter soit avec les doigts, soit avec un plectre. Si les cordes de votre guitare sont en nylon, choisissez à votre convenance, selon le son que vous voulez obtenir. Sur une guitare avec des cordes en métal, vous vous ferez sans doute moins mal au plectre, mais il y a moyen de s’en sortir avec les doigts.
Tenez le plectre avec la pointe vers le bas, en utilisant l’index et le pouce. Le pouce est, de préférence, à l’horizontale et perpendiculaire à la médiane du plectre. Le plectre est parallèle aux cordes, pour les attaquer directement.
Si vous jouez au doigt, vous utiliserez séparément le pouce d’une part, les quatre autres doigts ensemble d’autre part. Plus de détails plus bas.
Dans les deux cas, c’est avant tout l’amplitude du mouvement du bras droit qui donne plus ou moins de force. Si vous jouez au doigt, vous pourrez aussi plus ou moins ouvrir les doigts. Le poignet intervient assez peu. Grattez les cordes à peu près à mi-chemin entre la fin du manche et le chevalet (endroit, à l’opposé de la tête du manche, où les cordes sont attachées).
Le principe de base est le suivant : sur le temps, on donnera un coup vers le bas. Sur le contretemps, on donnera un coup vers le haut. Tout simplement parce que le coup vers le haut est moins puissant. Le coup vers le bas, quant à lui, permet d’insister sur le temps.
En pratique, au plectre, pas de problème. Aux doigts, le coup vers le haut se donne avec le pouce. Le coup vers le bas peut se donner soit avec le pouce, soit avec les quatre autres doigts. Un coup donné avec les quatre autres doigts est plus puissant ; il convient bien pour les temps forts. Pour vous simplifier la tâche, au début, donnez simplement un coup avec les quatre doigts vers le bas, et un avec le pouce vers le haut. Attention à gratter les cordes avec les ongles, pour ne pas rougir la peau de vos doigts au-dessus des ongles.
Les exercices suivants se basent sur les accords magiques Em – C – G – D. Pour rappel : sur le C, on évite de gratter la 6e corde ; sur le D, on évite de gratter les 5e et 6e cordes. Pour les différents exercices, commencez avec un tempo lent ; une fois que vous maîtrisez l’exercice avec le tempo lent, augmentez le nombre de bpm sur votre métronome, et refaites l’exercice suivant ce nouveau tempo.
Exercice 1 : demandez au métronome 60 bpm. N’hésitez pas à aller un peu plus bas si vous rencontrez encore des difficultés. En respectant ce que nous avons dit sur la pratique, donnez des coups vers le bas en même temps que les pulsations du métronome. Changez d’accord tous les quatre temps.
Exercice 2 : demandez au métronome 60 bpm et des mesures en quatre temps (4/4). Donnez des coups vers le bas en même temps que les pulsations, mais en rendant le premier coup de chaque mesure plus puissant que les autres. Ce premier coup marque ainsi le temps fort de la mesure. Faites de même avec des mesures en trois temps. Changez d’accord à chaque nouvelle mesure.
Exercice 3 : 60 bpm et 4/4. Cette fois, les temps forts sont sur les temps 1 et 3. En même temps que le métronome, comptez en boucle « 1 – 2 – 3 – 4 – 1 – 2… », et donnez des coups vers le bas plus forts sur les temps 1 et 3. Refaites ensuite l’exercice, mais en donnant des coups plus forts sur les temps 2 et 4. Changez d’accord tous les quatre temps.
Exercice 4 : ajoutons maintenant des coups vers le haut à tout ça. 60 bpm et 4/4. Donnez mécaniquement des coups vers le bas sur des pulsations, et des coups vers le haut exactement à mi-chemin entre deux pulsations. Vous aurez un schéma bas – haut – bas – haut – bas – haut – bas – haut par mesure (en tout, 8 coups – 4 vers le bas, 4 vers le haut – par mesure). Si vous avez du mal à sentir le contre-temps où vous devez placer le coup vers le haut, demandez d’abord 120 bpm à votre métronome, et donnez un coup à chaque pulsation ; un coup sur deux sera vers le haut, et un coup sur deux vers le bas. Remettez ensuite le métronome à 60 bpm, et cette fois, seuls les coups vers le bas tomberont en même temps que la pulsation. Changez d’accord tous les quatre temps (donc, tous les 8 coups).
Exercice 5 : refaites le même exercice, mais en mettant des temps forts et des temps faibles. Donnez d’abord des coups plus forts sur les temps 1 et 3. Quand vous êtes à l’aise, essayez en donnant des coups plus forts sur les temps 2 et 4. Vous commencez déjà à faire un rythme avec du relief, sur une grille d’accords magiques très courante.
En pratique, quelques idées
On peut déjà faire pas mal de choses avec ces notions et exercices en tête. Essayez les idées suivantes sur la même grille Em – C – G – D (en commençant toujours avec un métronome en 4/4 et 60 bpm, avant d’augmenter progressivement) :
- Des rythmiques comme à l’exercice 3 permettent déjà de créer facilement un morceau. Les accompagnements de jazz manouche fonctionnent souvent de la sorte, en plaçant les temps forts sur les temps 2 et 4. Écoutez par exemple la rythmique de Minor Swing de Django Reinhardt.
- Avec des rythmes comme à l’exercice 5, vous pouvez obtenir un accompagnement de variété française ou anglaise. Par exemple, Foule sentimentale d’Alain Souchon a une rythmique de ce genre.
- Une autre formule courante est de donner seulement des coups vers le bas, en comptant non pas 1 – 2 – 3 – 4 – 1, mais bien 1 – 2 – 3 – 4 – 5 – 6 – 7 – 8 – 1. Placez les temps forts sur le 1, le 4 et le 7. Beaucoup de morceaux rock qui veulent avoir un effet nerveux ou dynamique fonctionnent de la sorte. Écoutez par exemple le début de Fly de Machiavel.
- Autre formule courante facile : ne donner aucun coup vers le bas, et uniquement donner des coups vers le haut sur les contretemps. C’est typiquement ce que font les morceaux reggae. Écoutez par exemple la guitare rythmique de Could you be loved de Bob Marley.
En règle générale, pour rendre son accompagnement vivant, on s’en tiendra au principe suivant : l’irrégularité dans la régularité. Partez de la base : bas – haut – bas – haut – bas – haut – bas – haut, avec, comme nous l’avons vu, les coups vers le bas sur les temps et ceux vers le haut sur les contretemps. L’idée est de donner seulement une partie des coups, mais pas tous. Par exemple :
- Faites un rythme bas – bas – bas – bas – haut en boucle. C’est ce qu’on appelle le slow rock, très utilisé en variété. Les temps forts seront sur les temps 1 et 3 (le 3 sera un peu plus fort que le 1).
- Bas – bas – haut – haut – bas – haut. Vous le voyez : sur le 3e temps, on ne donne pas de coup vers le bas, puisqu’on a deux coups vers le haut de suite, tous les deux sur des contretemps. Ici, les temps forts tombent sur les temps 2 et 4. Ce rythme est également très utilisé en variété ou en pop.
- En partant de la même base, à peu près tout est possible. Par exemple : bas – bas – haut – bas – bas – haut. Les temps forts seront sur les temps 2 et 4 (c’est-à-dire sur les deux bas qui précèdent un coup vers le haut). Ou encore : bas – haut – bas – haut – haut – bas – haut. Écoutez par exemple What’s up de 4 Non Blondes, qui enchaîne ces deux rythmes. Tout en gardant le principe de base des coups vers le bas sur les temps et de ceux vers le haut sur les contretemps, la seule limite est celle de votre imagination.
Tous les rythmes de cet article suivent les temps et les contretemps. Ce ne sont bien sûr pas les seules possibilités, même si cela permet déjà de faire beaucoup de choses. Nous verrons dans un prochain article des rythmes plus complexes. Je vous conseille cependant de déjà bien maîtriser ces premiers rythmes avant de vouloir augmenter la difficulté.
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